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CHAPITRE DIX-SEPTIEME - Le Pouls du Peuple

"― Qu’est-ce que vous vous faites, tous les deux ?

 

Cornaline s’était presque jetée en travers des genoux de Perrydo, et le regardait avec une petite moue. Dans la main, elle tenait un énorme quartier de viande, sûrement tiré de leurs réserves. Le jeune homme le lui prit et mordit dedans.

 

― Rien d’intéressant. On a tous nos problèmes, tu en sais quelque chose.

 

— Oui, c’est vrai. Mais mes soucis me paraissent toujours moins importants que mon appétit ! Heureusement qu’Agata m’aide à m’en sortir ! Elle est vraiment géniale !

 

Perrydo la poussa gentiment et remarqua alors le regard fixe de Beryl, braqué sur lui. Le CatEyian se demanda si le muet avait entendu son histoire, de là où il était, près d’une fenêtre illuminée de clarté lunaire. Il le trouva incroyablement beau dans cette lumière, et pendant une seconde, il eut l’impression d’entrevoir ce qui était enfoui en lui, un être bien plus grand, plus immense que ce qu’il paraissait... Perrydo lui sourit ; Beryl lui répondit de même, et redevint alors le garçon timide et mystérieux qui semblait toujours ailleurs. Galen le ïans émergea de la chevelure du muet où il faisait la sieste depuis quelques heures. Il sauta à terre et s’étira langoureusement devant l’âtre, présentant son ventre duveteux à la chaleur des flammes.

 

Il se sentait heureux d’avoir raconté tout cela à Alexandre. Dès le début, il avait deviné que le vétéran était un homme de confiance. Il aimait marcher à ses côtés et plaisanter avec lui sur ses anecdotes militaires. Perrydo avait l’impression de l’avoir toujours connu... ou d’avoir attendu toute sa vie de le rencontrer.

 

Alexandre lui prit la viande des mains à son tour en lui frappant l’épaule, comme il le faisait d’habitude. Perrydo aurait voulu que le temps s’arrête ici, dans cette pièce, près de cet âtre. Il ne savait pas pourquoi, mais la peur d’aller plus loin l’avait soudainement étreint. La guerre avançait vers lui à grands pas, et éviter les coups des ennemis ne serait plus l’essentiel désormais. Abattre l’armée impériale, faire tomber l’Empire, ce gouvernement qui dirigeait Zyrconia depuis si longtemps... et après ?

 

Mais ce qui l’effrayait davantage, c’était l’idée de revoir son père. Si tout se déroulait à merveille, si lui et Alexandre survivaient à tout cela, si le monde était sauvé, rien n’empêcherait leurs retrouvailles... et il craignait ce moment.

 

Mais Alexandre était avec lui. Cela se passerait bien. Tout se déroulerait bien, et il parvint à s’en persuader ; il s’en persuadait encore au moment où ses yeux se fermaient.[...]"

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